Ecriture, Peinture, Masques.
bernard peyroles
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Ecrits sur la peinture
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15 Ce matin, la nuit n'était pas encore partie, je prends un pinceau et je décide de supprimer tout ce que j'avais fait lors de mon dernier travail. Il y a, à ce moment, la conscience d'avoir balayer des heures de travail sans pour autant regretter de le faire instantanément. Parfois, on peut décider de laisser un ouvrage de côté et, ensuite, le reprendre quelques jours après.
Pour que l'imagination soit le raisonnement.
Le support de la toile amène l'esprit à naviguer mais celui-ci se heurte toujours aux quatre angles droits qui délimitent la surface. Des étincelles parcourent mon imagination même si le réflexe est de refaire, non pas dans la forme mais dans l'esprit, ce que nous avons déjà fait il y a quelques instants.
C’est toujours difficile, le matin, de commencer à travailler comme si la nuit m’avait apporté de la fatigue qui me plongerait dans une absence de plaisir à l'idée de cheminer en passant d’une couleur à une autre.
Et pourtant, me remettre devant la toile après avoir dormi me permet de me donner l’illusion d’échapper à un enfermement sur moi-même qui me peine et me préoccupe quelques instants.
Emporté par la routine quotidienne de ce qu’il y aurait à faire comme des habitudes inévitables, j’oublie vite ces instants peu accueillants de la nouvelle journée.
14 Il y a deux visages qui se superposent. L'un est plus grand que l'autre. Il sera nécessaire de fixer la surface représentative des yeux pour déterminer l'un des deux. La différence d'échelle implique, au spectateur, la nécessité de passer d'une vision plus proche pour apercevoir l’un des visages, plus petit, à un autre aperçu où on aurait l’impression de s’éloigner des premiers points de repère.
La démarche est différente de certains tableaux que j'ai pu réaliser auparavant où chaque visage possède son regard dépendant de l'autre. J'ai pu certaines fois faire en sorte que les visages, côte à côte, avaient une surface colorée qui évoquait la surface d’un œil commun aux deux arrondies de têtes.
Pour celui qui regarde une telle disposition de dessins avec cet œil commun, éprouve moins de difficultés à passer d'un visage à l'autre. Même si l'échelle n'est pas tout à fait pareille, il y a cependant une concordance de surface. Il n'y a aucun doute, on peut troubler et ajouter du mystère en changeant les rapports de proportions entre deux ou plusieurs éléments d'un même tableau.
Il est plus difficile de jouer avec les couleurs. Si l'on utilise pratiquement les mêmes couleurs pour les 2 visages, on augmente la confusion qui n'est pas l'objectif prioritaire.
On va inciter celui qui regarde à deviner. Le but de mon travail n'est pas d'apporter de la confusion mais, bien au contraire, donner un sentiment de juxtaposition d’émotions qui peuvent être illustrés par des dessins côte à côte. Une courbe peut passer d'un visage à un autre, comme s’enlaçant, d'un rebord un autre, pour finir dans l'imaginaire.
13 Parfois, on peut décider de laisser un ouvrage de côté et, ensuite, le reprendre quelques jours après.
Pour que l'imagination soit le raisonnement.
12 Retirer, soustraire, tirer le drap blanc couvert des grains de la toile sur ses yeux.
Ecarter les sons, ne plus regarder autrement, s’établir ainsi dans des comparaisons de particules lumineuses qui caractérisent le silence.
Des lueurs amères surgissent de l’image qui ne correspond pas à ce que l’on souhaitait.
La répétition se désagrège dans les soucis de rependre le chemin de ce que l’on a tant espéré, mais qui mène à tourner autour de soi même, et ainsi à s’enfermer du côté désespérant et répétitif des couleurs.
Les soucis sont noyés de larmes versées sur la surface toilée de ce que nous aurions voulu être.
Ces lignes sont certainement écrites pour soi même, tant est compliqué l’approche d’inventer une répétition de formes, non pas sur le problème de l’accessibilité de l’énigme. Mais ce qui compte, c’est le ressentiment de l’émotion qu’il faut masquer, de peur de partir vers de fausses routes, si longues, que celui qui regarde en oublie l’idée de départ de celui qui a inventé.
L’émotion.
11 Voila bien des éléments qui font penser que la couleur devient de plus en plus discrète pour se contenter du trait enveloppant le vide de la forme.
On tombe dans la nuance due au hasard avec son épaisseur, certes dirigée.
Dans toute trace réfléchie, il y a cette fraction de seconde qui est laissée à l’indéfinissable, au hors contrôle, à cette part qui nous échappe.
On ne reconnaît plus totalement l’image de ce que nous avions voulu faire.
C’est cela qui mérite que l’on s’y attarde.
9 Il y a de quoi faire en raccordant les couleurs les unes aux autres, comme si cela était possible, comme si l’ivresse des sentiments faisait penser à des forces sans limite. Des pas, des piétinements devant le chevalet, vestige artistique, ne font que dissimuler les frontières des pensées ordonnées. Sur le sable, des traces de pas éphémères de poésies lointaines. Sur le tissu phosphorescent de notre mémoire, des oublis enfouis resurgissent pour donner libre différence avec nos sentiments que l’on croit valeureux.
En se retournant devant les silences aveuglant des murs de séparations d’une forme à une autre, s’enlacent des idées , pas très éloignées de ce que l’on croit posséder. C’est l’illusion de ce que l’on voit, et qui brûlent immédiatement aussitôt que l’on a vu.
C’est pour cela que je peins des paysages-visages, différence de ce qui est donner en apparence avec le mystère des silhouettes englouties par les surfaces lisses de couleurs peu réalistes. Mais c’est ma vision de ce qui devrait être, pour disparaître tout particulièrement, quand elle s’éveille devant le miroir de nos souhaits irréalistes. C’est l’occasion unique de reprendre l’attention du regard sur un paysage- visage.
10 Le déplacement des cloisons de la toile correspond à la limite de l’aperçu de ce qui est donné à voir en retirant le silence de l’extérieur.
Les pas à pas des fêlures constituées par les lignes artificielles des sentiments traduisent plus qu’ils n’indiquent des souvenirs comprimés qui souhaitent s’échapper pour se transformer en éléments positifs.
Bien sûr qu’il convient de maîtriser ce changement, mais l’obscurité de l’intérieur de ces contours scintille en son centre une faible étincelle d’une couleur indéterminée qui caractérise l’emblématique réflexion sur soi même.
De regards en regards, les traces permettent d’aller loin, tout en restant ici, vers soi.
En marchant le long de ce magma, on pourrait s’y perdre si la rosée de notre mémoire perdait son chemin.
Pas de doutes, il convient de se retourner de temps en temps, avec une extrême prudence en effectuant la rotation. De crainte à renoncer d’oublier.
8 Sur les surfaces épisodiques de bois lissés, les ocres refoulent le blanc dans les espaces peu accessibles où s’entrecoupent les noirs feutrés qui font ressortir la forme improbable.
Si l’on dépasse celle-ci, apparaissent les sous couches d’hésitations gestuelles coordonnées par les pensées non contrôlées.
Il n’y a pas de rapport entre l’indifférence de l’ombre sur le support théorique et l’accroche de la pâte colorée sur la rayure du bois.
Juste un hasard contrôlé.
C’est ainsi qu’au départ, les sentiments sont, sans détour, francs et volontaires, mais après, tout se gâte, car la pensée se mêle de briser cet élan de pureté.
Ainsi le blanc dévie et perd de sa puissance, sans pour autant ternir.
Il lui reste l’essentiel, la pensée du départ qui, malgré tout, a encore une petite lueur d’innocence.
7 La structure métaphysique des couleurs ne dépend pas du regard isolé où il n’y a à voir que ce qu’il y a à voir, mais plutôt la projection d’un sentiment comme miroir qui se réfléchit sur son opacité ou sa transparence.
En retirant sa projection, la couleur devient qu’un truchement vers des prétentions poétiques où la réflexion parait faire semblant.
Il n’y a que ce tourbillon qui emporte les méandres du caractère pour ne faire vivre que la couleur.
Reste à savoir si cette perception d’une couleur ne coïncide pas à son état par rapport à une autre. C’est dire qu’il faut manier avec prudence les couleurs, à moins que de ne souhaiter des dégâts collatéraux sur nos pensées.
Et, pourquoi pas, après tout. Se perdre dans les couleurs, ou au contraire, y rebondir, fait qu’on ne risque pas grand-chose, car la couleur nous rend l’environnement plus fragile.
6 De moins en moins de détournements en retour des occasions perdues, s’en iront les vagues de solitudes éclaboussées de silence passé.
En s’enfermant dans le même sujet à répétition infini, on finit par avancer sans se douter des progrès nécessaires à ces organisations picturales.
Petit à petit, je suis sûr de défendre les courbes insignifiantes des mots traduits en formes style de rapprochement délicat des sentiments perdus.
Il n’y a pas que quelques occasions défendues mais aussi les correspondances des échos des couleurs qui s’évaporent en fumée parfumée.
Repartons ensemble vers les délicatesses des couleurs qui méritent d’être mis en avance sans ménagement, quoi on en dise.
4 En s’en allant vers les passages secrets de la mémoire, et en disparaissant autant que les satisfactions légitimes des perceptions, il y a la possibilité d’accepter les données imposées par l’image.
De voir quelques goutes d’eau perlées sur le visage, des yeux éclaboussées de lumière subite, ainsi vont les efforts de ce que je pourrais faire sagement.
Je me retournerai toujours vers l’artifice des couleurs, plus volontiers que la musique des mots qui s’évanouit après avoir été prononcée, si ce n’est qu’il reste une trace sur le support papier. En se rapprochant les estimes, les feux d’urgence ne se consument pas totalement. C’est ce qui reste de valable dans ce désordre des lueurs-pensées.
Et c’est ce qui nous sauve, pour autant que l’on souhaite être sauvés.
Après tout, le blanc n’éclate que sur un autre blanc, plus terne, histoire de le valoriser. Finalement, c’est le souhait indépendant des volontés qui sommeillent dans notre esprit, toujours en attenante d’un hypothétique départ. A moins que ce soit l’oubli que l’on guette sans trop le dire.
5 Désordonner, effacer, colorier, tracer.
A force de se contredire, il y a une certaine lassitude à finaliser les rapports tendus que l'on entretiendrait avec son imagination qui défait, les unes après les autres, les circonstances jalonnant une création. Serons-nous capables d'inventer encore plus ou sommes-nous prisonniers de ses limites ?
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2 Le retour de construction s’estompe en logique incertaine cernée par le trait de plus en plus épais. Cet éternel recommencement.
Il n’y a guère de possibilité de dévier de cette solution.
J’aimerais tant changer de support, peut-être du translucide où la lumière décomposée en raies qui la traverserait serait finalement plus importante que celle de la couleur réinventée constamment par l’illusion du regard de celui qui appréhende l’œuvre.
Il faut s’évader du cadre, déchirer ce carcan, et non pas construire d’autres cadres dans l’espace du cadre principal car, là, finalement cela reviendrait au même.
On peut estimer qu’en restant à plat, et sans chercher l’illusion de l’épaisseur, en rompant la monotonie de l’angle droit pour une ligne brisée ou une courbe, le contour l’emporterait sur ce qu’il enferme.
Alors à quoi bon essayer de dévier de ce contexte bien établi qui ne serait que vouloir faire illusion d’innover. Mais dans cette aventure trompeuse, on oublie où se situe l’âme de celui qui a effectué l’œuvre au détriment de considérations finalement dépassées.
Il y a là de quoi rester perplexe. Faut-il continuer à répéter, à refaire comme si de rien n’était ? A essayer d’inventer le nouveau, sans y parvenir de façon flagrante, on laisse de côté les sentiments. Mais les sentiments, finalement sont-ils importants ? Pour soi, certes. Mais pour les autres, sont ils les mêmes ?
3 Passer au delà des terminaisons habituelles des jeux de couleurs,la réalité semble incertaine tant elle est différente d’un regard à l’autre, autant de la part de celui qui se dit artiste que de celui qui regarde
et imagine ce qu’il aurait ajouté ou soustrait.
1 En suivant la trace du trait sur le grain du support, se situe la cassure des éléments imaginaires, peu maîtrisés qui échappent à tout repère subjectif du hasard.
On peut contourner cette brisure en y renonçant, c'est-à-dire en faisant en sorte que le grain n’apparaissent plus simultanément au coté de la couleur du trait qui attire trop la luminosité de la mémoire.
On peut s’y projeter sans crainte de ne pas voir ce qu’il y a à coté. Là, est tout le problème complexe de l’imagination. Son importance y est limité et sans grand silence de vibration.